A Saint-Frajou

Anne Barousse

 

À Saint Frajou, il y a 150 habitants et un musée de peinture. La maison du peintre est aussi un musée, mais il ne se visite pas, sauf si on y est invité.

C’est une maison qui regarde le soleil toute la journée, avec une piscine devenue une mare à grenouilles ou un bassin géant pour poissons rouges. Des arbres familiers et distraits poussent sans être importunés, un champ de lavande bleuit en juillet, entre des pivoines blanches et des rosiers merveilleux.

Deux grands lauriers roses vous accueillent à la porte, on entre dans une maison ancienne, où tout transpire la couleur, les tableaux accrochés au mur qui s’ouvrent comme des fenêtres, les mosaïques qui brillent.

Ksenia et Jean Claude posent tous les jours trois noix sur le rebord de la fenêtre pour voir deux écureuils venir les prendre. Des orchidées poussent sur le plan de travail de la cuisine, la mosaïque de la salle de bain chante sur les murs. L’immense salle à manger a pris le bleu maritime du tableau.

La maison vibre au gré des couleurs, des fleurs en plâtre blanc ornent les plafonds, des cages suspendues flottent avec des poissons en bois. Sur des étagères des miroirs, des statues olmèques en terre cuite, des tasses à thé délicatement ornées de fleurs, un vieux phonographe pour écouter Gardel, deux léopards en bois aux yeux verts, une Vénus de Milo revisitée en princesse hindoue…

À Saint Frajou, mon père marche tous les jours pour regarder les Pyrénées pâles, Ksenia parle aux plantes, chez eux le monde est un jardin suspendu.